Saturday, October 04, 2008

二つのシンポ

いよいよ来週後半は第2回のベルクソン・国際シンポ(詳細はこちら)。みなさまお誘い合わせのうえ、ぜひご来場を賜りますようお願い申し上げます。

そして、再来週はパリでデリダについて話します。公の場でデリダについて詳しく話すのは初めてで、それも錚々たるメンバーに囲まれて話すのに、自分のシンポの準備やら何やらでまったく準備ができていませんが…ともかく宣伝しておきます。ビッグ・ネームが揃っている好企画ですので、私の発表はともかく、フランス在住の方々はぜひお越しください。


LA PHILOSOPHIE DANS LE MOMENT DES ANNEES 60

17-18 OCTOBRE 2008

Colloque International
organisé par le CIEPFC (Ulm) et le CIPh

Ecole Normale Supérieure, 45 rue d’Ulm, 75005 PARIS

Direction : Patrice Maniglier

Le Centre International d’Etude de la Philosophie Française Contemporaine (ENS/Ulm), en collaboration avec le Collège International de Philosophie, organise, dans le cadre de son Programme de Recherches ‘Le moment philosophique des années soixante’, organise une série de quatre double journées d’étude sur toute l’année 2008. Cette série se propose de renouveler la lecture que l’on fait aujourd’hui, quarante ans après, de cette décennie et de rouvrir la question, si difficile à traiter en France, de l’héritage actif et non commémoratif de ce « moment » excessif à ses propres interprétations, et toujours actuel. Chaque double journée porte sur une dimension par lesquelles les années 60 ont constitué un événement transversal pour la pensée : scientifique, politique, esthétique, philosophique. Chacune est constituée de deux journées d’étude : la première porte sur un livre, la seconde sur des aspects thématiques.
Cette troisième double journée revient sur les enjeux proprement internes à la philosophie du moment philosophique des années soixante. Si il est vrai qu’il se caractérise par la manière dont la philosophie s’y est mise sous condition de ce que Merleau-Ponty appelait son « dehors » – en réalité ses dehors, scientifiques, politiques, esthétiques –, il se peut qu’elle se caractérise aussi par sa manière de traiter la philosophie elle-même – ses traditions, ses problèmes, ses concepts, ses pratiques – comme un dehors à partir duquel il s’agit de recommencer à penser.
Conformément à la méthodologie éprouvée lors des deux premières journées, il s’agira non pas de célébrer ni de commémorer, mais bien de requalifier les événements philosophiques qui « font moment », selon deux axes possibles : 1°) soit en identifiant, dans le contexte philosophique des années 60, des questions, des thèses voire de nouvelles manières de pratiquer la philosophie, qui, bien qu’ils n’aient pas été clairement perçus par les contemporains, apparaissent rétrospectivement comme caractéristiques des véritables ruptures des années 60 ; 2°), soit en repérant dans ce corpus des instruments pour traiter des questions qui n’étaient pas encore apparues, mais qui trouvent pourtant dans ces textes un éclairage par anticipation.
La première journée reviendra sur l’œuvre de Jacques Derrida pendant les années soixante, en s’appuyant sur deux livres majeurs, L’écriture et la différence et De la grammatologie.
La seconde proposera de requalifier l’événement des années soixante en tant qu’il a transformé le sens et la pratique même de la philosophie, l’identité et les méthodes de cette discipline, l’image qu’elle convie de la pensée, le rapport à son histoire et à ses textes, et enfin l’idée même de métaphysique qui a peut-être, curieusement, trouvé dans les années soixante un sens nouveau et particulièrement actuel.
PROGRAMME

VENDREDI 17 OCTOBRE 2008
DERRIDA DANS LE MOMENT DES ANNES SOIXANTE
ENS, 45 rue d’Ulm, Salle des Actes

Matin : 9h30 – 12h30

Frédéric Worms (Lille III, ENS-Ulm) : Le moment de la différence.
Igor Bucharles (Lille III) : De la différence à la différance
Hisashi Fujita (JSPS/Univ. Hitotsubashi) : La déconstruction du mariage dans le De la Grammatologie et au-delà.

Après-Midi : 14h30 -18h

Patrice Maniglier (University of Essex) : Térontologie saussurienne : ce que Derrida n’a pas lu dans le Cours de Linguistique Générale
Catherine Malabou (Paris X Nanterre) : Pourquoi la grammatologie n’a pas été une science.

Pause : 16h-16h30

Vladimir Safatle (Universidade Federal de Sao Paulo) : L’écriture sans scène. Lacan au-delà de la métaphysique de la présence.
Peter Dews (University of Essex) : Déconstruction et dialectique négative : une rencontre manquée.

SAMEDI 18 OCTOBRE 2008
LES ANNES SOIXANTE : UN MOMENT PHILOSOPHIQUE
ENS, 29 rue d’Ulm, Salle Jules Ferry

Matin : 9h30-12h30

Jean-Christophe Goddard (Toulouse-Le-Mirail) : Une nouvelle image de la pensée.
Pierre Macherey (Lille III) : Spinoza 1968 : deux lectures alternatives et complémentaires (Guéroult et Deleuze).
François Rastier (CNRS) : La linguistique des textes philosophiques : du « structuralisme » à la linguistique des corpus numériques.

Après-Midi : 14h30-18h

Jean-Michel Salanskis (Paris X Nanterre) : Derrida et la philosophie analytique.
François Laruelle (Paris X Nanterre) : Qu’est-ce qu’une science générique ?

Pause : 16h-16h30

Table ronde : A quoi pourrait-on reconnaître une « métaphysique continentale » ?
Elie During (Paris X Nanterre), Patrice Maniglier (University of Essex), Quentin Meillassoux (ENS Ulm), David Rabouin (CNRS).


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PROGRAMME GENERAL

« Le moment philosophique des années 60 »
Colloque International 2008
organisé par le CIEPFC (Ecole Normale Supérieure)
et le Collège International de Philosophie
Direction : Patrice Maniglier

Le Collège International de Philosophie, en collaboration et dans le cadre du Programme de Recherches ‘Le moment philosophique des années soixante’ du Centre International d’Etude de la Philosophie Française Contemporaine (ENS/Ulm), organise sur toute l’année 2008 un colloque de quatre jours répartis sur toute l’année 2008 intitulé : « Le moment philosophique des années soixante ». Cette série se propose de faire le point sur les recherches en cours et de renouveler la lecture que l’on fait aujourd’hui, quarante ans après, de cette décennie et de rouvrir la question, si difficile à traiter en France, de l’héritage actif et non commémoratif de ce « moment » excessif à ses propres interprétations, et toujours actuel.

Il ne s’agit pas de revenir sur les années 60 sur un mode historique et commémoratif, mais d’en rouvrir l’héritage en posant d’emblée, à titre méthodologique, deux thèses. Premièrement les années 60 ont véritablement constitué un événement transversal pour la pensée dans toutes ses dimensions : scientifique, politique, esthétique, philosophique... Il n’est pas nécessaire de supposer qu’on puisse unifier cet événement dans un seul nom, une seule thèse, et encore moins une seule œuvre, pour reconnaître la consistance d’un « moment », avec ses circulations multiples, ses oppositions constituantes, et la propagation d’une force de rupture. Les années 60 ont eu le sentiment de faire date dans l’histoire de la pensée et ce n’était pas seulement illusion. Qu’elles aient été correctement qualifiées en leur temps est en revanche sujet à caution. Deuxièmement, de ce moment, nous sommes toujours les contemporains, au sens où les questions posées restent ouvertes et que ce qui s’est passé ne peut être accompli qu’aujourd’hui, dans l’après-coup qui conditionne l’historicité de la pensée. Des années 60, nous proposons de chercher donc ce qui est toujours actif.
Cependant, s’il ne s’agit pas faire le musée ou la commémoration d’une séquence de la pensée, il ne s’agit pas non plus de la rejouer telle quelle. On s’intéressera donc à la possibilité de requalifier l’événement en quoi ont consisté les années 60 dans les différents domaines de la pensée, de le qualifier autrement que de la manière dont il l’a été par ses acteurs, animés qu’ils étaient par un événement qui était à côté de celui par lequel ils se croyaient portés. Il s’agira donc de réunir, faire connaître, et faire dialoguer entre elles, les recherches récentes qui, de manière encore dispersée, ont été amenées à reconsidérer les enjeux épistémologiques autant que politiques, esthétiques et enfin proprement philosophiques de la conjoncture des années soixante.
En ce sens, on peut donc dire que cette série de colloques propose une contribution à ce qui pourrait être une histoire structurale, puisque symptômale, du « structuralisme », dépassant les oppositions factices entre pensées de la structure et pensées de la différence, montrant que l’événement dépassait déjà les noms même qu’on lui donnait, et qu’il garde, encore aujourd’hui, quelque chose d’excessif, et qui nous fait penser.
L’année 2008 n’est pas anodine : 1968 a précisément constitué ce point de rupture dans lequel les années 60 à la fois se réalisent et se renversent, ce point dans lequel l’accomplissement semble exactement coextensif à son inversion. C’est en ce point que nous souhaitons pouvoir nous tenir.

Les quatre journées s’intituleront : « Un moment épistémologique » ; « Un moment politique » ; « Un moment philosophique » ; « Un moment esthétique ».
Chacun d’entre eux succèdera à une journée qui aura lieu à l’Ecole Normale Supérieure, portant sur un livre majeur de cette décennie, soit dans l’ordre : La pensée sauvage de Claude Lévi-Strauss (direction : Frédéric Keck), Pour Marx de Louis Althusser (direction : Stéphane Legrand et Guillaume Sibertin-Blanc), De la Grammatologie de Jacques Derrida (direction : Frédéric Worms), Discours Figure de Jean-François Lyotard (direction : Elie During).

Calendrier

Conférence introductive de Frédéric Worms : « L’idée de moment en philosophie : le cas des années 60 » (samedi 16 février 2008) .

I. « Les années 60 : Un moment épistémologique » (22 mars 2007)

II. « Les années 60 : Un moment politique » (17 mai 2007)

III. « Les années 60 : Un moment philosophique » (18 Octobre 2007)

IV. « Les années 60 : Un moment esthétique » (13 Décembre 2007)

La première journée, consacrée au « Moment épistémologique », se propose de revenir sur les enjeux épistémologiques des années 60. Le moment philosophique des années 60 se caractérise en effet par la manière dont la philosophie s’est mise sous condition des savoirs, dans une conjoncture où les sciences humaines rêvent de leur formalisation en même temps qu’ils ne cessent de faire valoir leurs enjeux sinon politiques, du moins critiques. Cette journée se propose de revenir sur la manière dont les découvertes scientifiques ou (plus modestement) théoriques qui ont eu lieu parfois bien avant – en linguistique, en anthropologie, en psychanalyse, mais aussi en mathématique ou en biologie – ont pu contribuer au renouvellement de la pensée philosophique dans les années 60. L’ambition de cette journée n’est pas tant historique que prospectif : il s’agit de mettre en évidence l’actualité sinon des réponses du moins des questions qui ont été posées, par les disciplines théoriques, à la philosophie, et que celle-ci a su accueillir.
Les recherches récentes en histoire des sciences ont en effet apporté une lumière nouvelle sur les véritables enjeux et la véritable nature des grandes manœuvres théoriques qui ont été associés notamment au « structuralisme ». Cependant, il n’existe pas encore de tentative pour prendre la mesure des transformations que ces recherches apportent à l’image globale qu’on peut se faire de ce que la philosophie doit au champ théorique. Cette journée voudrait contribuer à ce travail, en mettant en évidence ce qui n’est au fond rien d’autre qu’une autre histoire du structuralisme, requalifié quarante ans après avec d’autres concepts que ceux par lesquels il fut déclaré et aussitôt condamné.

Programme

Matin : Ruptures théoriques ?
Bernard Laks (Paris X-Nanterre) : Actualité du saussurisme : linguistiques structurales et théories cognitives.
Yves Duroux (ENS-Cachan) : L’opération d’Althusser : comment l’épistémologie invente une nouvelle science.
Pierre-Henri Castel (CNRS/IHPST) : L’épistémologisation de la psychanalyse dans les années 1960: remarques croisées sur Lacan et Bion.
David Rabouin (CNRS/REHSEIS) : Structuralisme en mathématiques et sciences humaines : un malentendu ?

Apres-Midi : Paradigmes épistémologiques ?
Alberto Gualandi : La question de l’humain entre philosophies de la nature et sciences de la vie.
Alan Schrift (Grinnell College, USA) : Nietzscheanism as Epistemology: The French Reception of Nietzsche in the Sixties (Le nietzschéisme comme épistémologie: la réception française de Nietzsche dans le moment philosophique des années 60”)
Jean Petitot (CNRS/CREA) : Structuralisme et Morphodynamique.
Alain Badiou (ENS-Paris) : Le concept de modèle, quarante ans après.

La seconde journée sera consacrée aux enjeux politiques. Alors que se multiplieront les commémorations de Mai 68, il s’agira non pas seulement d’opposer, à la ferveur équivoque de la commémoration, la froide analyse de l’historien, mais bien encore de réévaluer les véritables enjeux, du point de vue de la philosophie, des grands mouvements ou phénomènes politiques caractéristiques des années 60, même si leur importance ne fut pas nécessairement perçue par les contemporains.

Quels furent les événements ou processus politiques qui ont suscité, ou qui auraient dû, en droit, susciter, un véritable renouvellement de la philosophie, au-delà même de la philosophie politique, jusqu’au sens même de l’engagement philosophique ? En quoi la conjoncture politique singulière des années 60 a-t-elle constitué un moment pour la philosophie ? Mais aussi en quoi les pratiques politiques ont-elles pu être nourries par ce moment philosophique ?
Cette question signifie plusieurs choses. Premièrement, quelles furent, parmi les expériences politiques mûries dans les années 60, celles qui nourrirent le profond renouvellement que la philosophie eut alors le sentiment de connaître ? En quoi la décolonisation, par exemple, a-t-elle été porteuse d’enjeux philosophiques qui se formulent dans la pensée d’un Sartre ou d’un Lévi-Strauss, et en quoi éventuellement une relecture de la décolonisation permet aujourd’hui de relire ces recherches ? En quoi les vicissitudes du mouvement ouvrier au niveau mondial et la diversification des significations et des pratiques de la « révolution » a-t-elle pu nourrir la pensée d’Althusser, de Foucault ou de Bourdieu ? Comment les transformations dans les mœurs, la sexualité, les rapports de sexe ont-ils déterminé la reformulation, plus ou moins immédiate, de questions philosophiques classiques, chez Deleuze ou Lyotard par exemple ? Et même, plus lointainement, en quoi l’expérience politique si singulière de Mai 68, a-t-elle pu déterminer, de manière plus ou moins manifeste, le cheminement ultérieur des pensées comme celles de Derrida ou, plus récemment, de Badiou ? Il s’agit donc pour une part de réinterpréter les relations entre l’activité philosophique et les pratiques politiques, afin de mieux éclairer et l’un et l’autre, au-delà des anathèmes rapides, des amalgames faciles et de la lecture purement idéologique qu’on fait souvent de ces rapports.

Mais il s’agit aussi de laisser une place pour les possibles qui ne furent pas actualisés. Et la question signifie, alors, deuxièmement : qu’est-ce qui, parmi les expériences abouties dans les années 60, aurait dû être porteur, même si ce n’a pas été le cas, de profonds renouvellements de la philosophie ? Qu’est-ce qui, dans les années 60, est encore en attente de sa caractérisation en pensée ? Il s’agit peut-être alors de faire voir comme événements, et comme événements indissociablement philosophiques et politiques, ce qui n’apparut pas forcément comme tel aux contemporains. Evénements discrets, mais fondamentaux, qui engage le devenir de la philosophie sans qu’elle s’en soit forcément rendue compte.

Enfin, la question du moment politique, en philosophie, des années 60, signifie troisièmement : qu’est-ce qui, dans les œuvres philosophiques arrivées à terme dans les années 60, est encore porteur d’enjeux politiques valables dans notre actualité ? En quoi ces œuvres éclairent-elles la question politique telle qu’elle se pose pour nous aujourd’hui, et peut-être telle qu’elle se posera désormais pour tous, en ce sens qu’elles auraient ménagé une place pour la découverte d’un de sens possibles, d’un des modes d’existence, de la politique en général ? Il s’agira donc d’analyser quelques usages contemporains en politique de la philosophie des années 60.
Bien sûr, à travers ces questions, il s’agira d’interpréter Mai 68, événement symbole précisément parce qu’il est équivoque et qu’il est impossible de trancher entre ses différentes significations, événement à la charnière des siècles, où le vingt-et-unième siècle s’annonce dans la grammaire du dix-neuvième, à moins que ce ne soit le dix-neuvième qui cherche à mourir dans une phrase aurorale. Pour la philosophie, il n’importe pas de trancher sur le sens historique de Mai 68 : il importe de savoir ce qu’il emporte de décisif pour la pensée aujourd’hui.

Programme

Matin (10h-13h) :
Patrice Maniglier (University of Essex) : Introduction : De la Théorie à la Pratique : 68 et le structuralisme.
Mauro Pedruzzi (Université de Milan) : Derrida l’Européen : La responsabilité et l’aporie.
Mathieu Potte-Bonneville (CIPh) : Du sable à la bataille : Foucault avant 68
Laurent Jeanpierre (IEP Strasbourg) : Des occupations : portrait théorique d’un répertoire politique réactivé.

Après-Midi (15h-18h) :
Jean-Claude Milner (Paris VII) : Quand Achille rattrapa la tortue
Etienne Balibar (Paris X) : Démocratiser la démocratie.
Ernesto Laclau (University of Essex) : Imaginaires politiques et actions politique : le grand tournant des années 60.

La troisième journée reviendra sur les enjeux proprement internes à la philosophie du moment philosophique des années soixante. Reprenant la problématisation mise en œuvre dans les précédentes journées, on posera question à la fois de l’existence et de l’actualité d’un moment des années soixante pour la philosophie, celle-ci fonctionnant ici pour ainsi dire comme son propre dehors.

Si en effet la philosophie française des années 60 se caractérise par la manière dont elle se met sous condition de ce que Merleau-Ponty appelait son « dehors » – en réalité ses dehors, scientifiques, politiques, esthétiques –, il se peut qu’elle se caractérise aussi par sa manière de traiter la philosophie elle-même – ses traditions, ses problèmes, ses pratiques – comme un dehors à partir duquel il s’agit de recommencer à penser. Reprenant la problématisation déjà mise en œuvre dans les précédentes journées, cette journée pose la question à la fois de l’existence et de l’actualité d’un moment des années 60 pour la philosophie, mais qu’elle trouverait cette fois dans la philosophie elle-même, et non pas, comme nous en avons fait l’hypothèse dans les journées précédentes, dans le contexte scientifique ou politique.
Conformément à la méthodologie suggérée lors des deux premières journées, il s’agira non pas de célébrer ni de commémorer, mais bien de requalifier les événements philosophiques qui « font moment », selon deux axes possibles : 1°) soit en identifiant, dans le contexte philosophique des années 60, des questions, des thèses voire de nouvelles manières de pratiquer la philosophie, qui, bien qu’ils n’aient pas été clairement perçus par les contemporains, apparaissent rétrospectivement comme caractéristiques des véritables ruptures des années 60 ; 2°), soit en repérant dans ce corpus des instruments pour traiter des questions qui n’étaient pas encore apparues, mais qui trouvent pourtant dans ces textes un éclairage par anticipation.

La quatrième journée concernera les enjeux esthétiques des années 60, et sera l’occasion de poser la question du rapport de la philosophie à la littérature, mais aussi aux pratiques de ce genre incertain qu’on appelle « l’art contemporain » et qui se met en place dans ces années là, ainsi qu’avec les arts populaires comme le cinéma et le théâtre.

L’esthétique occupe une place souvent sous-estimée dans les grands débats qui traversèrent et structurèrent le moment philosophique des années 60 en France. Cependant, alors qu’on aurait pu penser que la vogue du structuralisme et des « philosophies du concept » rejetterait à l’arrière plan la dimension du sensible, il apparaît rétrospectivement que non seulement la littérature et les arts plastiques avaient une part centrale dans ces débats (avec Barthes, la nouvelle critique et le nouveau roman bien sûr, mais aussi avec le théâtre et le cinéma d’un côté, et de l’autre avec les avant-gardes modernistes telles que Supports/Surfaces ou les œuvres de Buren, Toroni et Mosset, entre autres), mais encore que l’étrange mouvement de radicalisation-renversement qui conduisit, pour des raisons internes, de la philosophie des structures à celle de la différence devait rapidement redonner à la question esthétique toute son importance. Le parcours de Lyotard à ce titre anticipe sur le mouvement bientôt réalisé par Deleuze, Barthes ou Derrida. On redécouvre aussi depuis quelques années l’importance de la réflexion esthétique chez Foucault, ainsi que la profondeur du thème de la logique des qualités sensibles mis en avant par Lévi-Strauss. De même, on a été amené à réévaluer les œuvres de Merleau-Ponty et de Mikel Dufrenne dans ce contexte. Il apparaît enfin, aujourd’hui, que c’est peut-être sur le terrain de l’esthétique, et dans un dialogue avec cet espace singulier qu’est celui de l’art contemporain, que les grandes questions, concepts et stylistiques caractéristiques du moment philosophique des années 60 sont le plus activement convoqués, comme en témoignent le travail de Jacques Rancière ou Bruno Latour. Alors que les dehors scientifiques et politiques semblaient déterminants pour le moment philosophique des années 60, il semble aujourd’hui, pour des raisons qui restent à élucider, que l’héritage de la philosophie française des années 60 trouve dans l’esthétique son dehors privilégié.

Le but de cette journée d’étude sera de faire le point sur ces recherches en cours et de mieux comprendre la nature du dialogue étroit mais assez mal stabilisé que la philosophie entretient avec le domaine de la littérature et cet espace singulier qu’on appelle l’art contemporain.
Conformément aux précédents colloques, ce colloque se déroulera en deux temps. Le premier sera consacré à une journée d’étude sur un livre. Il s’agira cette fois de Discours, Figure de Jean-François Lyotard. La seconde journée sera consacrée à un repérage plus général de ces questions.

Conformément aussi à la méthodologie mise en place lors des précédentes journées, il s’agira avant tout de requalifier les véritables lieux de la question esthétique tels que les contemporains ont pu y prendre part sans en avoir clairement conscience. On s’intéressera donc soit aux grandes transformations dans ce que Jacques Rancière a appelé le régime du sensible, telles qu’elles se manifestent en particulier dans les arts, qui ont pu fonctionner comme conditions pour la constitution de ce moment philosophique, soit à l’inverse de proposer une relecture de certaines de ces œuvres philosophiques qui paraissent éclairer par anticipation les enjeux esthétiques d’aujourd’hui et nourrir les pratiques du sensible autant que celles-ci ont pu conditionner la pensée philosophique.

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